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L’Europe s’oppose à la domination technologique américaine face aux craintes d’ingérence politique

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Un mouvement croissant en faveur de la souveraineté numérique gagne du terrain en Europe, alors que des responsables avertissent que les hyperscalers américains pourraient être instrumentalisés à des fins de politique étrangère.

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À une époque où le contrôle des données et des infrastructures devient une question de sécurité nationale, l’Europe montre les premiers signes de résistance face à la domination technologique des États-Unis.

Le sommet Nextcloud de cette année à Munich a révélé un élan croissant derrière un mouvement de souveraineté numérique visant à réduire la dépendance du continent envers les hyperscalers américains.

Les tensions politiques ravivent l’appel à l’autonomie

Le dernier point d’orgue est survenu en février, lorsque le vice-président américain JD Vance a profité de la Conférence sur la sécurité de Munich pour critiquer les institutions européennes et accuser les dirigeants de trahir les valeurs démocratiques.

Ces déclarations, combinées à des menaces de tarifs douaniers et à des divergences sur le dossier ukrainien, ont approfondi les fractures transatlantiques.

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Pour de nombreux législateurs et technologues européens, ce fut un moment décisif. L’eurodéputée allemande Alexandra Geese a qualifié l’attitude américaine de « chantage », appelant à investir dans les infrastructures européennes et dans les talents locaux.

Elle a souligné que l’objectif n’était pas l’isolement, mais la construction de systèmes basés sur des standards ouverts et la reconquête du contrôle des réseaux numériques.

Les géants technologiques contre-attaquent alors que le lobbying s’intensifie

Le mouvement se heurte à une forte opposition. L’économiste Cristina Caffara a dénoncé une « armée de lobbyistes » à Bruxelles, œuvrant à ralentir ou saboter les efforts en faveur de la souveraineté.

Avec Geese, elle a lancé l’initiative politique Eurostack, visant à promouvoir une pile technologique européenne indépendante et à contrer l’influence de géants comme Amazon, Microsoft et Google.

Certains experts accusent ces entreprises de pratiquer le « sovereignty-washing » : proposer des services d’hébergement en Europe ou des frontières de données, tout en restant légalement soumis aux lois américaines d’intelligence comme le Cloud Act.

Le PDG de Nextcloud, Frank Karlitschek, affirme que ces mesures sont cosmétiques et ne protègent en rien les données européennes contre les accès étrangers.

Trop tard pour reprendre le contrôle ?

Lors du sommet de Munich, plusieurs intervenants ont mis en garde contre les tensions géopolitiques qui pourraient provoquer de véritables perturbations, y compris des refus de service à motivation politique.

Des sanctions récentes ont déjà privé certains pays d’outils numériques essentiels, faisant craindre que l’Europe ne subisse le même sort.

Comme le rapporte Raconteur, la quête de souveraineté s’accompagne de nombreux défis. Une grande partie des infrastructures critiques repose encore sur des puces et architectures conçues aux États-Unis.

Et si la Chine propose des alternatives, sa participation soulève elle aussi des inquiétudes politiques. Malgré cela, des initiatives comme l’usine de semi-conducteurs à 10 milliards d’euros en Allemagne indiquent que l’Europe commence à développer ses propres capacités.

Un exemple frappant de cette dépendance persistante : les participants au sommet ont été surpris d’apprendre que les services cloud militaires allemands sont confiés à Google – preuve de l’ancrage profond des technologies américaines.

Le Royaume-Uni suit sa propre voie — avec des partenaires américains

Alors que l’Europe cherche à se défaire de l’influence numérique américaine, le Royaume-Uni semble faire le choix inverse.

Le Premier ministre Keir Starmer a accueilli favorablement d’importants investissements d’entreprises américaines comme Oracle, AWS, Google et Microsoft.

Lors de la London Tech Week, Starmer s’est joint au PDG de Nvidia, Jensen Huang, pour lancer un forum britannique sur l’intelligence artificielle « souveraine » — dirigé, paradoxalement, par une entreprise américaine.

Bien que le Royaume-Uni prône une vision d’indépendance, les registres publics révèlent une forte augmentation des rencontres entre ministres britanniques et dirigeants de la tech américaine.

Pour les détracteurs de l’influence étrangère, ces développements soulignent l’urgence du mouvement européen pour la souveraineté numérique.

Comme l’a conclu Alexandra Geese :

« C’est toujours trop tard. Mais commençons maintenant. »

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