Kathrine Frich
En atteignant les confins de la Sibérie, la dernière campagne de drones de l’Ukraine a non seulement endommagé des bombardiers russes, mais a également mis à mal le mythe de l’invulnérabilité de Moscou.
Après des mois de raids aériens meurtriers, l’Ukraine a inversé les rôles grâce à une attaque audacieuse et de grande envergure, frappant au cœur de la puissance aérienne militaire russe.
Selon CNN, Kyiv affirme que son offensive a déclenché des incendies ayant touché 41 bombardiers longue portée et endommagé 34 % de la flotte de missiles de croisière stratégiques de la Russie.
L’attaque aurait visé des bases aériennes situées à des milliers de kilomètres des frontières ukrainiennes, y compris une à Belaya, dans la région d’Irkoutsk, presque à mi-chemin de la Sibérie. Si les chiffres ukrainiens sont exacts, 117 drones à bas coût auraient causé des dommages estimés à 7 milliards de dollars.
L’illusion d’invulnérabilité de la Russie commence à se fissurer
La vaste géographie russe et la profondeur de ses ressources militaires ont longtemps été perçues comme ses plus grands atouts — des garanties permettant à Moscou d’endurer les pertes humaines et matérielles.
Mais les frappes précises de l’Ukraine remettent peu à peu en question cette image.
Depuis l’effondrement des lignes russes en 2022 dans le nord de l’Ukraine, à la suite d’attaques sur les voies d’approvisionnement, en passant par le bombardement du pont stratégique de Kertch en 2023 et l’incursion audacieuse dans la région russe de Koursk, l’Ukraine a démontré à plusieurs reprises sa capacité à frapper là où on l’attend le moins.
Cette dernière attaque suit le même schéma : frapper là où l’ennemi se croit en sécurité — et prouver que même la Sibérie est à portée.
La guerre par drones atteint un nouveau stade
L’utilisation des drones par l’Ukraine est passée de l’improvisation à l’innovation. Ce qui n’était qu’une capacité limitée en 2023 est devenu un outil stratégique à part entière.
Les drones navals ont déjà endommagé des unités de la précieuse flotte russe de la mer Noire, et désormais, les drones aériens pénètrent plus profondément que jamais en territoire russe.
Dans le même temps, les défenses ukrainiennes se sont considérablement renforcées.
Ce week-end, Kyiv a affirmé avoir intercepté ou brouillé 382 des 472 drones Shahed de fabrication iranienne lancés par la Russie — soit la vague de drones la plus intense depuis le début du conflit.
Un tel niveau d’interception suggère des avancées notables dans la guerre électronique et la défense antimissile, offrant un espoir tangible alors que l’aide militaire occidentale, notamment américaine, est de plus en plus incertaine.
Impact militaire et choc psychologique
Il est encore trop tôt pour mesurer pleinement l’impact de cette frappe sur la capacité opérationnelle de l’aviation russe — les estimations indiquent que Moscou ne disposerait plus que d’environ 20 Tu-95 et 60 Tu-22M3 — mais les dommages symboliques sont indéniables.
Ces bombardiers sont au cœur de la campagne nocturne de frappes contre les villes ukrainiennes. Les atteindre, c’est non seulement réduire la capacité de projection aérienne de la Russie, mais aussi affaiblir l’image d’invincibilité de sa machine de guerre.
« Même les bases aériennes en pleine Sibérie ne sont pas à l’abri », souligne l’analyse de CNN, ajoutant que l’effet psychologique pourrait être aussi puissant que les pertes matérielles.
Une offensive au timing stratégique
Ces attaques de drones interviennent à un moment clé : alors que l’Ukraine et la Russie entament un second cycle de pourparlers de paix en Turquie, et que le soutien américain donne des signes de fragilité.
En démontrant qu’elle possède encore la volonté et les moyens de frapper fort, l’Ukraine cherche peut-être à envoyer un message clair : même sans parité d’armement lourd, elle peut changer la dynamique du conflit.